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Croix

La personne du Christ

Histoire de l'élaboration du thème de la personne en théologie chrétienne

Livre la personne

Le Dieu Homme

Auteur :
Editeur : Editions L'Harmattan (1 décembre 2009)
ISBN-13 : 978-2296107793
Broché : 212 pages
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Préface

par Nicolas Ozoline

Notre ami Philippe Péneaud, iconographe-sculpteur et théologien, poursuit avec assiduité ses recherches auprès de la chaire d'Histoire des Arts liturgiques et d'Iconologie à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge de Paris. Il s'est déjà fait connaître du grand public par son enquête remarquable sur Les Quatre Vivants (L'Harmattan, 2007) menée selon la méthode iconologique que nous avons développée à Saint-Serge. En publiant sa thèse de doctorat, soutenue en janvier 2009 à l'Institut il nous livre une « somme » sur ce qu'il appelle très justement « le coeur des enjeux » de toute théologie chrétienne de l'image - l'icône du Christ sur la croix. Pour des raisons pratiques cette vaste entreprise est publiée en deux volumes et le titre initial « L'image du Verbe mort dans la chair » qui couvrait parfaitement l'ensemble du travail se trouve remplacé par un titre nouveau pour chacune des deux parties, La personne du Christ (volume I) et Le visage du Christ (volume II). Si l'on voulait résumer très brièvement le contenu du premier volume je dirais qu'il montre avec clarté et force que ce que j'appelle « le théopaschisme chalcédonien » est effectivement le présupposé nécessaire à une juste compréhension de toute icône du Christ et singulièrement de l'image de sa mort. « La polémique théopaschiste. n'est résolue définitivement qu'au Cinquième concile oecuménique en 553. L'enjeu théologique est immense puisqu'il s'agit pas moins que de conforter l'axiome clairement établi à Chalcédoine, à savoir la distinction entre nature et hypostase afin de confesser que « l'hypostase, sujet de la Passion, était celle du Logos qui restait impassible dans sa nature divine » (p. 121). L'icône représente donc toujours ce qui est visible, et donc descriptible, de la personne du Dieu incarné lorsqu'on le regarde avec les yeux de la foi - dans les eaux du Jourdain, monté au Thabor, ou mort sur la croix. Le premier volume, qui a élucidé les doctrines du fondement christologique de l'icône, se clôt sur une pertinente partie dogmatique qui livre des informations essentielles sur les implications doctrinales de l'iconographie orthodoxe. Trois sous-chapitres dont les titres parlent pour eux-mêmes composent cette partie. D'abord - « La mort hypostatique du Logos incarné et son image ». Il s'agit en effet d'un exposé concis des acquis christologiques à l'époque immédiatement pré-iconoclaste. Deuxièmement - « L'iconoclasme », avec un développement très à propos sur l'origénisme comme source de la théologie anti-iconique, et troisièmement « La théologie iconodule » essentiellement selon ses deux ultimes apologètes - le saint patriarche Nicéphore et saint Théodore le Studite. Le deuxième volume s'annonce comme essentiellement « iconographique ». Sa première partie présente une fresque éblouissante du cheminement théophanique de la gloria crucis à travers l'univers chrétien des douze premiers siècles « de l'image symbolique à l'image hypostatique ». En partant des modestes signes et allégories des catacombes aux splendeurs étincelantes de Justinien, des miniatures marginales des psautiers monastiques byzantins post-iconoclastes à la perfection « archétypique » des crucifixions de Hosios Lukas et Daphni du douzième siècle et enfin du Christus triumphans carolingien aux Christus patiens roman, l'auteur nous fait découvrir, comme il le fit déjà pour les « Quatre Vivants », les trésors du musée imaginaire de l'Una Sancta, ainsi que l'indubitable pérennité du sens théophanique de l'ensemble des représentations de la sainte croix reconnu comme fondement de sa vénération universelle. La deuxième partie du tome iconographique a été décrite à juste titre comme la plus originale de l'ensemble de l'oeuvre. Elle s'appelle « De l'image dogmatique à l'image naturaliste ». A ma connaissance il n'existe pas d'autres études qui ont approché ce sujet avec tant de lucidité et de délicatesse à la fois. Il s'agit en effet du compte rendu de l'abandon progressif du langage spécifiquement chrétien de l'art de l'Église par le monde latin dès le début du treizième siècle. Après les hauteurs sublimes de la divino-humanité et de la création rétablie dans sa communion avec le créateur nous assistons au plongeon suicidaire dans l'espace et le temps d'un monde désespérément séculier, profané et déchu. Les événements évangéliques qui changèrent le monde font figure d'incident anecdotique d'une navrante banalité. Même dans le statuaire naguère d'une force inégalée ailleurs, de Piéta en Homme des douleurs, c'est le triomphe du Mal. Les titres des chapitres en disent long : « L'apparition du pathétique », « L'iconographie glorieuse s'efface au profit du Jugement », « L'art macabre », « Le patripassianisme en images », « La communion à la souffrance » et j'en passe... Finalement on devrait se demander avec Émile Mâle « si c'est bien la même religion que les artiste interprètent », car selon le mot de Dostoïevski, « cet art n'annonce plus le salut, il fait perdre la foi ». Mais Philippe Péneaud ne se contente pas de ce constat tragique. Grâce à son cheminement personnel, le sculpteur d'icônes connaît le remède : cet immense défi, qui touche l'essence du message chrétien, ne peut être relevé que par ceux qui - comme lui - font confiance à la Tradition vivante de l'art authentiquement liturgique, telle qu'elle se transmet dans l'Église. En conclusion de son bel ouvrage ce praticien engagé partage avec nous quelques réflexions précieuses sur sa propre expérience du ministère d'iconographe aujourd'hui. En voici trois extraits. En se mettant à l'école de la Tradition, l'artiste se greffe au grand courant expérimental d'une vie qui le dépasse et le nourrit, simultanément, il l'enrichit et le vivifie en y apportant les touches de son génie personnel qui, par son renoncement et ses limitations volontaires, se transforme en un mode d'expression universel de la vérité. Le champ d'expression semble au départ limité ; or, il n'est pas douteux que l'espace s'agrandisse au fur et à mesure de la désappropriation de soi ». « L'originalité ne se mesure pas à l'affirmation d'une subjectivité individuelle, ni à la quête d'une dissemblance à tout crin, mais elle s'apprécie à la manière dont l'artiste se fait serviteur fidèle, humble instrument dans la main de Dieu, laissant émerger par l'observance d'une douce obéissance l'image d'une chair libérée de la pesanteur des passions, transfigurée et non dématérialisée, participant à la vie divine ». « L'authenticité d'une icône se mesure à l'intégrité de son contenu spirituel ». Qui dit mieux !"

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La personne du Christ

Extrait de l'introduction du livre de Philippe Péneaud

Qui meurt sur la croix ? Telle est la question occasionnée par la mort du Christ sur la croix figurée en d'innombrables images. Qui meurt sur la croix ? Qui est le sujet de la kénose, de la souffrance et de la mort sur la croix ? Est-ce le Verbe de Dieu ? Mais comment Dieu immortel et impassible peut-il mourir ? Comment l'Un de la Trinité peut-il endurer une mort semblable ? Pour échapper à cette alternative embarrassante, certains attribuent la mort à l'homme Jésus. Celui-ci rendrait son dernier souffle sur la croix tandis que le Verbe divin et préexistant se dissocierait de lui au moment ultime. Le Christ serait alors divisé en deux parties. Seule sa partie terrestre, charnelle, endurerait la Passion, alors que sa partie spirituelle échapperait aux souffrances en s'effaçant. Quelques-uns pensent à ce sujet qu'une permutation s'opère lorsque Simon de Cyrène est réquisitionné au retour des champs par les soldats romains pour porter la croix derrière le Christ. Après s'être métamorphosé en Jésus, quand Jésus prend ses propres traits, Simon aurait été crucifié à la place du Seigneur. Un autre scénario aux antipodes des hypothèses précédentes consiste à attribuer la Passion, non au Fils, mais au Père. Le Père compatissant pour la souffrance du monde s'incarnerait sous le visage du Fils et mourrait sur la croix, non dans sa substance divine, mais dans une substance humaine. De multiples hypothèses sur la mort du Christ ont ainsi été échafaudées. Elles ont constitué l'arrière-fond des grands débats théologiques au début de l'ère chrétienne. Nous nous proposons d'en repérer les plus importantes et d'analyser les scénarios qu'elles élaborent pour éluder l'Incarnation du Logos divin et son implication dans la mort sur la croix.

Docétisme, arianisme, patripassianisme

Un premier scénario, suscité par la vision docète, pousse à nier le Crucifiement du Fils de Dieu sous le prétexte que son Incarnation n'aurait revêtu que le manteau de l'apparence. Un deuxième scénario, engendré par l'arianisme, ne peut envisager la mort de Dieu et attribue par conséquent la mort sur la croix à un homme et non à un Dieu. Un troisième scénario, le patripassianisme fait s'incarner le Père sous le visage du Fils et l'implique dans la Passion et la mort sur la croix.

Apollinarisme, nestorianisme

Un quatrième scénario, proposé par l'apollinarisme, refuse au Christ une humanité complète et considère que le Crucifiement ne touche que sa chair et épargne le Verbe. Puis au cinquième siècle, lorsque l'évidence du double statut du Christ - à la fois Dieu parfait et homme parfait - recueille l'assentiment des Pères, des débats s'engagent sur le caractère de la coexistence des deux natures dans le même sujet. Le nestorianisme projette le scénario d'un Christ divisé en deux personnes et attribue ses souffrances au Christ- homme tandis que le Christ-Dieu ne souffre pas. Il faudra toute la vigueur d'un Cyrille d'Alexandrie, avec sa formule-choc « le Verbe a souffert dans la chair » - qui ne sera reçue véritablement que deux cent ans plus tard - pour confesser que la Passion est endurée par la personne divine du Verbe sans que cela compromette la nature divine même. Cyrille reprend ainsi un terme utilisé dès le premier siècle par Ignace d'Antioche, le théopaschisme, « la passion de Dieu » qui souligne l'unité concrète du Christ dans sa personne grâce à la communication des idiomes ou communication des propriétés. Cette formulation attribue, par l’intermédiaire d’un oxymore, les propriétés de sa nature divine au Christ-homme et les propriétés de sa nature humaine au Verbe divin. La communication des idiomes souligne ainsi que le visage du Crucifié n’est pas seulement celui d’un homme qui souffre, mais il est celui du « Verbe qui souffre dans la chair ». L’image du Crucifié ne représente pas uniquement un homme suspendu à la croix, mais elle montre la personne du Christ, un même sujet : d’une part Dieu impassible et immortel ; d’autre part un homme qui a souffert et est mort sur la croix.

Monophysisme, monoénergisme, monothélisme

Par la suite, le scénario du monophysisme noie l’humanité du Christ dans sa nature divine et réfute toute idée de souffrance du Verbe sur la croix ; en réponse, les intuitions théopaschistes de Cyrille sont étayées au concile de Chalcédoine de 451 par la distinction essentielle en christologie entre nature et personne. Et enfin, la lutte contre le monoénergisme et le monothélisme encourage Maxime le Confesseur à intensifier la notion de communication des idiomes par le terme de périchorèse, qui se définit comme une véritable compénétration, au sein de la personne du Logos, de la nature divine dans la nature humaine, mais également de la nature humaine dans la nature divine. « Comme Dieu », dit Maxime, « le Christ était le moteur de sa propre humanité, et comme homme il manifestait sa divinité… C’est donc comme à un tout, au seul et même Christ que nous attribuons tout ce qui est des natures » et que nous confessons que le sujet de la Passion et de la mort est le Verbe de Dieu qui, dans sa personne, meurt humainement tout en restant impassible divinement.

Nature et personne

Enfin, pour terminer cette étude christologique, nous citerons un scénario ultime, non des moindres, celui qu’a engendré l’iconoclasme. Il repose sur une compréhension erronée des modalités de l’union des deux natures dans la personne du Christ, en opérant une confusion entre nature et personne. En réponse à l’iconoclasme, la justification du rôle des icônes et le bien-fondé de leur vénération reposent sur la mise en valeur dans l’icône du Christ, archétype de toute icône, non de sa nature divine indescriptible, non de sa nature humaine seule, mais de sa personne. Nous allons le voir, un des apports essentiels des débats théologiques des premiers siècles à propos de la mort du Christ sur la croix consiste essentiellement en la manière dont se caractérise cette unique personne. L’unité des deux natures dans la personne du Christ dépasse la simple synthèse. L’Incarnation correspond, non à l’assemblage de deux parties disjointes, mais à une union asymétrique où l’hypostase du Logos divin et éternel, la personne préexistante du Verbe, assume, enhypostasie la nature humaine jusqu’à mourir dans la chair. « L’Un de la Trinité meurt dans la chair ». Le sujet de la Passion et de la mort est par conséquent le Verbe de Dieu qui, dans sa personne, meurt humainement tout en restant impassible divinement. Les voies ouvertes par l’énonciation du théopaschisme, qui affirme l’identité personnelle entre la deuxième personne de la Trinité et le Logos incarné, amorcera notre appréhension future de l’image et s’y révèlera comme le « présupposé nécessaire à une juste compréhension de l’icône du Christ » et de toute icône.

Elaboration de la notion de personne en christologie

Sommaire du livre chez l'Harmattan

I. La croix
- La Croix glorieuse
- La Croix douloureuse
- Les altérations de la théologie de la Croix
- Une victoire sur la mort
- Le sujet de la kénose est la personne du Fils
II. La personne du Christ
- Une rencontre personnelle avec le Christ
- Le subtil équilibre du dogme christologique
III. Celui qui meurt sur la croix est réellement homme
- Le docétisme
- Gnosticisme et tradition chrétienne
IV. Celui qui meurt sur la croix est le Fils et non le Père
- Le patripassianisme
V. Celui qui meurt sur la croix est réellement Dieu
- L'arianisme
VI. Celui qui meurt sur la croix est Dieu et homme
- L'apollinarisme
VII. Celui qui meurt sur la croix est le Verbe de Dieu
- Le nestorianisme
VIII. Celui qui meurt sur la croix est une personne unique
- Le monophysisme
IX. Celui qui meurt sur la croix est l'Un de la Trinité
- Controverse théopaschiste
- L'un de la Trinité a souffert dans la chair
X. Celui qui meurt sur la croix est le Verbe de Dieu dont la volonté et l'agir humains coopèrent avec la volonté et l'agir divins
- Le monoénergisme et le monothélisme
- La périchorèse
XI. La personne reste « une » dans la mort
XII. Celui qui meurt sur la croix et son image
- Le lien entre christologie et iconographie
- L'iconoclasme, une vision erronée de la personne du Christ
- L'image de la personne du Dieu-homme

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Le visage du Christ

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Le Visage du Christ
Un compte rendu du livre dans la Revue Théologique de Louvain :
Revue Théologique de Louvain
"Le chemin de la réflexion christologique a été long jusqu'à ce que l'Église confesse que c'est bien la personne du Christ, Dieu et homme, sans confusion ni séparation, qui meurt sur la croix. Les tentations de rationaliser l'incarnation en escamotant soit la divinité, soit l'humanité ont été nombreuses : docétisme, arianisme, patripassianisme, apollinarisme, nestorianisme, monphysisme. Les images du Crucifié accompagnent ce long chemin. Et c'est une longue maturation iconographique que ce livre suit à la trace en quatre grandes étapes. La première propose des figurations voilées, des symboles et allégories de la croix glorieuse où n'apparaît pas le supplicié ; la divinité du Christ y est majorée au détriment de son humanité. La deuxième est celle d'un certain rééquilibrage. Le Christ crucifié y apparaît dans son corps ; il est vivant, les yeux grands ouverts, les bras horizontaux selon le modèle hellénistique de l'athlète victorieux. La troisième étape est, après la crise iconoclaste, celle de la représentation de la personne du Verbe mort dans sa chair déifiée, mélange de majesté et de souffrance, échappant au dolorisme comme au triomphalisme. Dans une quatrième étape, «la thématique personnelle s'épuise en formulations inappropriées, majorant par exemple la nature humaine aux dépens de la nature divine, sonnant la fin de l'image personnelle christomorphique» (p. 36), ce qui aboutira à une «sécularisation» du motif du Christ sur la croix...
L'exposé de Philippe Péneaud, docteur en théologie et sculpteur, spécialiste de l'art chrétien des douze premiers siècles, est érudit et unit avec bonheur expertises artistique et théologique. Il intéressera aussi bien les théologiens que les artistes. Fort bien écrit, il s'appuie sur 63 figures qui sont analysées avec beaucoup de rigueur et de finesse. L'ouvrage est complété par un lexique (p. 273-278) et par une bibliographie sélective (p. 279-291) répartie sous les titres suivants : l'image chrétienne, la crucifixion, le Moyen Âge, les sources patristiques, les sources iconographiques, les autres sources bibliographiques. C. Focant "
Une croix